l’île inconnue.

 

Il y a quelques années, je voyageais avec un ami, nous étions embarqués ensemble à bord d’un voilier dans le cadre d’un convoyage vers l’Amérique du sud. Après quelques jours de mer agitée et un rythme peu clair que seul offre l’océan, étions exténués par deux nuits blanches ou presque, le skipper a jeté l’ancre dans une baie très profonde, où l’on commença machinalement à pêcher notre dîner. Au bout de quelques heures à observer la côte qui dessinait un énorme volcan, nous avons réalisé que sous l’effet conjugué de la fatigue et d’un verre de rhum sous le soleil, nous n’avions même pas demandé à l’équipage où nous étions. Le capitaine se mit à rire et déclara : 

 

« Bienvenue sur l’île inconnue messieurs ! »

 

Il nous proposa de rester là trois jours car il attendait une pièce moteur importante et ne pouvait pas continuer sans cette dernière. A ce moment là, nous avons décidé que l’on ne demanderait à personne quelle était cette île et que nous l’explorerions à pieds, puis la quitterions sans en connaître le nom.

 

72 heures durant, nous avons marché, nous avons dormi dans des auberges sans parler ou si peu, mangé de bons légumes et du mauvais poulet, nous avons écrit, nous avons bu du vin moyen, fait un bras de fer avec un vieillard qui manqua de nous casser les poignets, et circulé sur un tracteur hors d’âge que son conducteur conduisait adroitement dans les chemins en étant parfaitement saoul. Après une dernière soirée où nous avons rencontré un taureau courant seul dans la rue, et où un chien crasseux à tête de Hyène essaya de nous mordre en nous poursuivant sur un bon kilomètre, nous avons regagné le voilier. Au milieu de la nuit, le skipper le plus jeune a pris le quart et nous avons quitté la baie, portés par la houle longue de l’Atlantique.

 

Six jours plus tard, nous arrivions dans le port de la province de Carthagène en Colombie. Ce temps de traversée ne coïncidait avec aucune logique des mesures du temps terrestre. L’île inconnue ne pouvait appartenir à l’archipel des Açores, trop éloignée d’ici. Cela ne pouvait être non plus les îles Vierges britanniques ou Porto Rico qui étaient beaucoup trop près, et entre ces deux extrêmes, c’était l’Atlantique et rien d’autre que de l’eau sur les cartes.

 

Le temps a passé depuis et nous n'avons jamais résolu l’énigme. Le capitaine a d’ailleurs disparu en Bolivie où il aurait monté une sorte de Lodge sur le thème de l’Afrique; plus personne n’a de nouvelle. Quant aux autres skippers nous ne les connaissions pas et je n’ai gardé aucun contact. 

Ce portfolio est le résultat hasardeux et poétique de notre déambulation.

 

Chaque photographie est tirée à deux exemplaires, numérotés et signés au format 30 x 45 cm.