Le point de départ de cette création est une résidence à l’abbaye de Jumièges en Normandie où je me suis intéressé au mythe dit du “Loup Vert”. En travaillant sur les espaces géographiques où la légende a été construite et en poursuivant ma recherche plastique sur le paysage, j’ai produit une fiction photographique ouverte autour de l’histoire du loup, de l’âne et de Sainte Austreberthe.

 

En tenant compte du fait que la figure du loup tient une place primordiale dans les mythes pré-chrétiens, j’ai tissé un lien entre la légende rapportée et les ambiances mystiques des lieux visités en formant une série qui se lit presque comme un conte.

Sainte Austreberthe étant aussi appelé « brillante de l’Est », j’ai choisi de travailler au fil des saisons au coeur des lumières du matin.

 

Ce projet a fait l'objet d'une exposition à l'abbaye de Jumièges et a été produit par Fovearts avec le soutien du département de Seine maritime, le commissariat de l’exposition a été assuré par Emmanuelle Hascoët. l'exposition a également été labellisée dans le cadre de Normandie impressionniste.

 

A la suite de la résidence est né le livre portant le nom de la série la lumière du loup aux éditions Filigranes, l’ouvrage est disponible en ligne et en librairie.

 

https://www.filigranes.com/livre/la-lumiere-du-loup/

 

 

Vous trouverez ci-dessous un texte de 1836 écrit par Auguste Luchet et retraçant la légende.

 

 

 

"Saint Philibert, le fondateur de l'abbaye de Jumièges, avait pour amie une noble et vénérable dame, nommée sainte Austreberthe, qui s'était aussi mise en religion. Voulant donner un éclatant témoignage d'affection à cette dame qu'il avait connue, petite fille, je crois, à la cour du roi Dagobert, l'abbé de Jumièges fit bâtir pour elle, à Pavilly, dans le voisinage, un fort beau monastère de femmes dont elle fut la première abbesse. Or, sainte Austreberthe, afin de prouver à son vieil ami Philibert la reconnaissance que lui inspirait un si bon procédé lui offrit de faire blanchir par ses religieuses le linge de la sacristie de Jumiges. Le marché fut accepté, et voici comment il s'exécutait : chaque semaine, un âne convenablement dressé, venait tout seul à travers bois, de Pavilly à Jumièges, apporter le linge blanc et prendre le linge sale.

 

 

 

Cela durait depuis longtemps, sans que jamais le fidèle âne eût égaré la moindre serviette, quand, par une journée d'hiver où des loups affamés rôdaient autour de la forêt, l'âne revenant de Jumièges fut attaqué, tué et dévoré. L'heure à laquelle son messager avait coutume de rentrer étant passée, sainte Austreberthe conçut de l'inquiétude et vint, après vêpres, par le chemin ordinaire à la rencontre du pauvre âne. Que vit-elle : Hélas, au détour d'un buisson, les paquets de linge éparpillés sur la neige, les paniers de l'âné brisés, et l'âne lui même prêt à finir de disparaître sous la sanglante mâchoire d'un affreux loup ! L'abbesse poussa un grand cri ; alors, le loup leva la tête en grondant ; mais à l'aspect de la sainte, il fut pris d'une telle frayeur que son poil changa de couleur et devint vert de roux qu'il était.

 

 

 

La sainte fit signe au loup de venir à elle ; il quitta les restes de l'âne et obéit. Puis la sainte ramassa les paniers de l'âne et les arrangea sur l'échine du loup qui se laissa faire ; elle prit les paquets étalés par terre, les remit dans les paniers et, ordonnant au loup de la suivre, elle retourna au couvent, consolée et bénissant le seigneur. Le loup suivait, les oreilles et la queue basse. Là ne se borna point le miracle de sa transfiguration ; il resta au couvent, suivant la sainte partout comme un chien, se laissant battre fort docilement, et quand le linge fut près à être reporté à Jumièges, on en chargea le loup qui eut bientôt fait oublier son infortuné prédécesseur l'âne, tant il mit d'empressement et de diligence à cette commission. Il vécut fort vieux et resta jusqu'à sa mort le très intelligent messager des deux abbayes. Notez bien qu'en changeant de couleur, il avait aussi changé de mœurs : roux il était horriblement carnivore ; devenu vert, il ne se nourrit plus que d'herbe."